Adrian Ghenie
Jungles in Paris
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie
Adrian Ghenie

Adrian Ghenie

Adrian Ghenie

Peintre roumain, Adrian Ghenie (né à Baia Mare en 1977, études à Cluj à l’université d’art et de design) s’est distingué en 2015 à la Biennale de Venise, en représentant le Pavillon roumain – avec son projet intitulé Darwin’s room. Depuis une dizaine d’années à peine, il a acquis un public et une reconnaissance des milieux avisés de l’art. Il habite à présent Berlin et présente ses nouvelles œuvres à la Galerie Thaddeus Ropac à Paris. Sa renommée le devance déjà, il vient d’être côté à plus d’un million d’euros… And the beat goes on.

Sa peinture est, pourrait-on dire, imprégnée d’un certain classicisme pictural qui révèle et évoque quelques références à la peinture du XIXe et du début du XXe siècle. On sent immédiatement que l’histoire de l’art baigne dans son geste et dans ses citations mises en avant, sans ambages. Cette dernière exposition intitulée : "Jungles in Paris" emprunte des motifs aux tableaux d’un Henri Rousseau, dit le Douanier (1844-1910) qui furent présentés à Londres à la Tate Modern, en 2005-2006, avec le même titre, et à Paris. Le Douanier avait été repéré par Alfred Jarry, Breton, Picasso, Apollinaire et Robert Delaunay (*)… Un univers qui annonçait le surréalisme, etc.

Le mixage opéré par Adrian Ghenie est assez étonnant, car il raye ou balaye par de grandes bandes de couleurs (à la manière d’un Richter par exemple brossant ses toiles, en partie) les figures choisies et revisitées des images de Rousseau. On aperçoit, ici et là, des animaux qui se dévorent, des antilopes, des lions, des figures improbables, car le tableau finalement joue sur une certaine abstraction des motifs, il laisse le spectateur deviner ce qui se cache derrière la peinture, la matière, les formes, les éléments disparates, un univers végétal complètement recréé à sa manière, etc.

Dans cette exposition, il y a notamment toute une série de collages où affleurent quelques touches de peintures et d’éléments picturaux divers, tels aussi ses cinq dessins en noir et blanc, plus minimalistes, dans un certain sens. Un clin d’œil à Max Ernst. Quand on est face à ses peintures, on saisit les multiples strates constituées de larges bandes de matières colorées acrylique et huile, à la Richter, dirait-il ! Il créé des formes géométriques qui donnent à voir des mirages d’objets. Il est évident que nous avons à faire à un peintre qui connait tous les ressorts des techniques de ses grands prédécesseurs. Il avait aussi recréé les tournesols d’un Van Gogh à sa manière… un tableau qui a défrayé le marché de l’art lors de sa vente. Ainsi cette série intitulée : Self Portrait as … Pareillement avec Stalin’s Tomb, une autre série, qui prend en écharpe l’histoire des pays de l’Est, en évoquant le stalinisme dans son pays. Quand on observe attentivement et en détail la peinture d’Adrian Ghenie, on peut y voir que le traitement de la figure humaine repose sur une déconstruction concise induite par son propre style, tout en juxtaposant des images antagonistes dans l’espace de la toile. Il y a dans certaines formes des évocations de Bacon et de Picasso.

Adrian Ghenie disait, dans une interview qu’il s’intéressait à : "l'histoire liée à la figure humaine. Un certain type de déconstruction m'intéresse, de la même manière que cela intéressait Picasso et Bacon. Au XXe siècle, il y a eu deux moments où la façon de peindre les figures humaines a complètement changé : Picasso et Bacon. La déconstruction de Picasso s'inspire de l'art africain et du Moyen Age" (…) Les gens disent que Francis Bacon est l'une de mes inspirations. Oui, notre travail est similaire, mais il les a créés, pendant que je les trouve." Quelle lucidité historique et quel aplomb ! Que peut-on dire de plus, sinon que cet artiste n’a pas fini de nous surprendre par ses créations – sans l’influence du marché ; car selon lui, ce tourbillon n’a pas de prise sur son esthétique, laquelle peut déconcerter à chaque moment de la voie qu’il s’est fixé, – à son corps défendant !
 
Patrick Amine
Paris, juin 2018
 
 
Notes :

(*) "Nous sommes les deux plus grands peintres de notre temps, toi, dans le genre égyptien, moi, dans le genre moderne." Disait le Douanier Rousseau à Picasso, lors d'un banquet organisé par ce dernier dans son atelier du Bateau-Lavoir en 1908. Henri Rousseau comparait à sa manière le cubisme à la représentation de l'espace des anciens Egyptiens et aux formes géométriques, regard moderne et aigu s’il en est ! Picasso avait des portraits de Rousseau qu’il conserva sa vie durant.
Notons une très belle exposition, dans la même galerie, de l’artiste Patrick Neu, très subtil et très élégant, inspiré par les jardins, intitulée : "Iris, Jardin des délices".



Adrian Ghenie, Jungles in Paris
28 avril au 16 juin 2018
Galerie Thaddaeus Ropac
7, rue Debelleyme, 75003 Paris
tél. : +33. 1 42 72 99 00
ropac.net

accueil     vos réactions     haut de page     retour