Atmosphère[s] : "l'œuvre dans l'œuvre"
Gil Adamy - Louis Bance
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
Gil Adamy
 

Gil Adamy

Gil Adamy, Jeu de massacre

"Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou".
Ne sommes-nous pas tous aveugles, nous qui considérons souvent comme normal ce qui ne l'est pas : l'injustice, l'indifférence, la misère, la souffrance… mal-être et souffrance qui créent la fracture.
La métaphore biblique nous concerne aussi : où irons-nous si nous suivons, à tâtons, un guide incapable. Réponse évidente : la chute, non moins symbolique, est inévitable.

L'art permet-il d'agir sur la réalité ?

Artistes témoins de leur temps, Gil Adamy et Louis Bance sont d'abord des voyeurs. Ils ne proposent pas de réponse. Ils rendent compte de ce qui les entoure, dénonçant les dérives de la société. Une façon pour eux de s'insurger contre les dérives de toutes sortes, offrant une vision possible de l'évolution de l'Homme sur sa planète, avec son arsenal de plus en plus dangereux et ses intentions de plus en plus mondialisantes.
Gil Adamy peint. Sa démarche de dessinateur de presse campe une situation caricaturale en quelques coups de crayon : son champ de prédilection est l'actualité.
Louis Bance, pamphlétaire, réplique en ses mots la portée de cette mise en exergue.
En dehors de toute appartenance politique, sociale, ethnique ou religieuse, ce duo croise l'épée pour notre étonnement.
"Le regard est un choix. Celui qui regarde décide de se fixer sur telle chose et donc forcément d'exclure de son attention le reste de son champ de vision. C'est en quoi le regard, qui est l'essence de la vie, est d'abord un refus".
Amélie Nothomb, Extrait de Métaphysique des tubes.

Gil Adamy est artiste peintre : des toiles dans le mouvement de la figuration libre avec un regard sociétal où l'humour grince. La recherche de Gil Adamy porte sur les dérives humaines, moutonnières, extrêmes, voire fanatiques. Son propos est de mettre en scène le manque de pertinence des hommes, de mettre à nu la folie du monde et son absurdité mortifère. Avec une critique radicale de l'inconscience collective montrée avec humour et dérision, il met en perspective des signes marquant la décadence, la déliquescence, le déclin de notre civilisation plutôt que le contraire.

Louis Bance est poète, scénariste et réalisateur : des textes et des films décalés, à l'humour engagé. Dans ses poèmes formés de deux quatrains, Louis Bance apostrophe le lecteur ou se met en scène, allant sans fin, dialogue entre lui et la société dont il fait partie, reconnaît, vilipende, déteste ce qu'elle peut parfois donner à voir, rejette ce dont on l'incrimine…
Non, rien de tout cela, ses stances ne reflètent que l'impression ressentie dans les toiles de Gil Adamy. Louis Bance joue avec les mots et leur sonorité avec panache, envolée lyrique renforcée par les alexandrins. C'est un cri d'amour autant que de souffrance.

Gil Adamy a créé une œuvre picturale sur les dérives et les déviances humaines. Ce regard sociétal s'exprime avec humour et dérision sur la toile.
Cette œuvre, et plus particulièrement "Atmosphère", est le point de départ d'une création vidéo de Louis Bance, qui la réinterprète dans un court métrage original "Cui Bono ?" Ainsi "l'œuvre dans l'œuvre" donne naissance à Atmosphère[S].
L'ensemble des toiles de Gil Adamy présentées dans l'exposition sont accompagnées des textes poétiques de Louis Bance.
Le concept de "l'œuvre dans l'œuvre", est développé par ces deux sensibilités qui se complètent dans leur expression artistique en touchant des mondes qui se ressemblent et dégagent une atmosphère visuelle très colorée, décalée, subtile et forte à la fois.

La toile "Atmosphère" aborde le sujet de l'écologie avec l'être et le paraître, de leurs implications dans la vie quotidienne, de leurs dangers, mais aussi des moyens de s'en enrichir. Ce sujet est universel et touche chacun de nous dans notre dépendance envers la consommation de biens matériels par rapport à l'idéologie du développement durable.

Le court métrage "Cui Bono ?" fait lui-même partie de ce monde.
Avec le thème de l'écologie, il soulève les problèmes touchant à l'être et au paraître, au fond et à la forme. Ce qui ne peut que toucher le spectateur qui, à l'instant où il regarde le film, est lui-même plongé dans ce monde et ne peut s'en échapper.
A l'origine, "Cui Bono ?" signifie "c'est dans quel intérêt ?" et le sens de cette expression rejoint "is fecit cui prodest" (cherchez à qui le crime profite, vous trouverez le coupable). Cet axiome peut nous interpeller dans le cadre de l'écologie.

Sous le même titre, les peintures de Gil Adamy et les poésies de Louis Bance se répondent.
Dans "Maintien de l'ordre", Gil Adamy part d'un fait divers qui l'a marqué : en mai 2009, en Gironde, six policiers arrêtent un enfant de six ans pour un vol présumé de vélo… L'artiste représente l'enfant menotté encadré par des policiers, eux-mêmes enchainés avec des colliers autour du cou.

En réponse, Louis Bance écrit :
"Arrêtez-moi de suite, enchaînez ma conscience
Et venez dans un monde où l'irréalité
D'un État policier clame à son omniscience :
La folie aujourd'hui, c'est la normalité."


A une époque et dans une société où de grands problèmes sont montrés du doigt, leurs œuvres incitent à l'implication et à l'engagement du monde de l'art dans les enjeux environnementaux et sociétaux, recouvrant un champ très large : facteurs de crise liés au système de production et de consommation, crise environnementale avec les changements climatiques ou l'érosion de la biodiversité, cadre conceptuel surtout avec la remise en cause de la dégradation des valeurs politiques et humaines, que ce soit par la justice sociale ou le bien commun.

Pourrait-on dire que les toiles de Gil Adamy sont jouissives ? Ses personnages proches de la bande dessinée nous envoient vers un univers comique, les situations paraissent, au premier abord, cocasses. Leur traitement est enlevé par des coups de pinceaux qui semblent jetés. La première lecture est colorée, ludique et légère, la seconde dévoile l'insondable voire l'intolérable de notre humanité.
Message semblable dans le film "Cui bono ?" de Louis Bance, avec cette seule phrase: "La réalité vous est intolérable", qui apparaît sur l'écran. Est-ce un simple commentaire, une interprétation ou un avertissement ?

Le monde n'est pas entièrement à rejeter ou à anéantir pour autant. Pas de jugement de valeur ni de condamnation définitive, même si tout ce qui est relevé peut sembler négatif.
Rien n'est d'ailleurs figé dans l'approche de ces deux artistes :
Gil Adamy introduit dans ses peintures des objets ou des situations en noir et blanc qui sont peut-être la base d'une nouvelle société à colorier…il nous laisse le choix de contribuer à la création de cet avenir en le coloriant à notre façon…

Et Louis Bance de lui donner la réplique dans ces poèmes en criant :
"Réveillez-vous !"
"Votre monde illusoire est un carcan de rêve
Où vous vivez, éteints, avec les yeux fermés"
Extrait de Prison mobile, novembre 2010
 
Véronique Grange-spahis
Paris, Janvier 2011
 
 
- Espace culturel Paul Vernet, place Paul Vernet, 83600 - Fréjus, du 11 janvier au 29 janvier 2011
- GMT+7 Gallery, 258 Chaussée d'Ixelles, 1050 Bruxelles, Belgique, du 16 au 27 février 2011
- Visionairs Gallery, 14, rue des Carmes - 75005 Paris, du 15 mars au 30 avril 2011
www.adamy-art.com - www.visionairsgallery.com

accueil     vos réactions     haut de page