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Sandrine Paumelle, Sophie d'Acremont
Le potager, l'arbre et les deux tableaux

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Papiers Lumières

Histoire Végétale :

"L'homme, maître du domaine de la terre, en a changé, renouvelé la surface entière et de tous temps il en partage l'empire avec la nature " a écrit au 18ème siècle le naturaliste français Buffon, auteur de l'Histoire naturelle et organisateur du Jardin des Plantes de Paris. En cherchant à imiter la nature ou en y puisant son inspiration, en s'y confrontant physiquement ou en l'utilisant comme matériau, nombreux sont les artistes qui, s'exprimant à partir d'elle, ne cessent d'une certaine manière de lui rendre hommage. Car la nature par de-là les enjeux environnementaux et écologiques - et les effets de mode qu'ils suscitent actuellement - demeure pour l'artiste un inépuisable pendant au problème même de l'art. Et s'il est ici question d' histoire végétale c'est uniquement par rapport à ce problème, soulevé, éprouvé, exprimé en un ingénieux triptyque intitulé Le potager, l'arbre et les deux tableaux...


Papiers-Lumières :

L'histoire commence quand deux amies s'exprimant sur des registres plastiques différents découvrent qu'en les associant, ce que chacune leurs trouvait d'inaboutis ou d'insatisfaisants prenait une coloration inattendue, une dimension intéressante : les papiers-lumières avaient pris forme. Cette fusion dévoile l'heureuse complémentarité de leurs auteurs dont l'expression personnelle est pourtant bien distincte : l'une, Sandrine Paumelle, plasticien, fabrique du papier ; l'autre, Sophie d'Acremont, architecte, travaille l'espace. L'une agit sur la matière, la broie, la pile, la transforme avec l'illumination de l'alchimiste ; l'autre réagit, conceptualise, installe et éclaire avec la clairvoyance de l'ingénieur. Sandrine Paumelle fait du papier, des papiers avec toutes sortes de végétaux pour en appréhender, en éprouver toute la puissante richesse : elle en expérimente d'abord la qualité utile quand les feuilles se muent en page puis en fait jaillir toutes les qualités plastiques (aspect, texture, couleur). Sophie d'Acremont s'approprie les feuilles, les enroule, les colle, les lie, les coud pour que chaque forme imposée (cylindres, cônes, parallélépipèdes...) devienne un filtre, un luminaire, adapté à l'ampoule qu'il renferme, à la place qu'il occupe par rapport à l'ensemble. Simples, sobres, fragiles et extraordinairement expressifs, les papiers mus en lampes, les papiers-lumières sont alors posés, suspendus ou fixés à une structure élancée aux allures de tuteurs.

Par le papier chaque végétal sélectionné exalte dans une forme géométrique et minimale une force expressive soudaine, l'éclat velouté de sa texture, la particularité délicate de sa teinte naturelle. Par la lumière le papier retourne à son origine, au végétal dont il est issu, à la plante qui dévoile là toute sa beauté, c'est-à-dire à travers les mailles fibreuses et la douceur contenue de ses coloris, sa fragilité et sa nature propre. C'est là que le choix des formes et des volumes agit et donne à l'intervention plastique tout son sens : celui d'une expression sentie où rien n'est décoratif, simplement esthétique mais où sont provoqués la secrète émotion, le silencieux recueillement, l'envie de méditer devant ces quelques cinq cents petits luminaires et la fragile lueur qui s'en dégage.


Le potager, l'arbre et les deux tableaux :

La démarche de Sophie d'Acremont et de Sandrine Paumelle est pertinente. Elle montre en un triptyque, "Le potager, l'arbre et les deux tableaux", que par la pratique artistique, la réalité des végétaux peut être réactivée d'une manière artificielle : de la plante devenue papier, à la forme stylisée qu'elle revêt, presque réduite à un code, un pictogramme, c'est son essence même qui est mise à jour, par ces petites lumières, source d'énergie nécessaire à son existence.

Le potager : avec une étonnante diversité de lampes, lampions, lanternes et autres luminaires issus de plantes potagères familières , les deux artistes recréent sur 40m2, le lieu par excellence de la plante cultivée, où la circulation s'impose, la place idéale à toutes les reconnaissances aisées.

L'arbre : il est plus symbolique. Devant un entrelacs de branchages de saule tortueux pend une tenture de papiers-terre traversée par une lumière qui lui donne toute sa plénitude. La terre sortie d'elle même, réduite à un mince écran voile l'arbre qui lui doit la vie.

Les deux tableaux : quarante cylindres de même volume, obtenus à partir d'une vingtaine de plantes aromatiques et équitablement répartis en deux plans, exaltent par une implacable et subtile complémentarité colorée le charme des papiers-lumières, fragile alchimie entre le naturel et l'artificiel.

Ce triptyque permet un glissement du potager au tableau, un passage du mimétisme à l'expression autonome dont l'arbre et les papiers-terre seraient l'entre-deux, symbole de l'enracinement vital et de l'élévation féconde.

Luc Pascoët
Professeur d'arts plastiques et Artiste