Rip Hopkins
Rip Hopkins

Tadjikistan Tissages
© Rip Hopkins, 2001

… Le long séjour qui a amené Rip Hopkins dans une de ces Républiques de l'Asie Centrale et de l'ex-Union Soviétique dont le nom, parfaitement exotique, dissimulait une méconnaissance totale (qui savait situer le Tadjikistan sur un planisphère avant que la guerre en Afghanistan ne le montre à la frontière du pays mis en coupe par les talibans ?) est moins un voyage qu'une mise au point.
Voyage, certes, par le déplacement, la volonté rigoureuse de traverser en tous sens un pays parfaitement méconnu, voyage également par la volonté, dont il explique de façon tout à fait exemplaire les motivations, d'entrer chez les gens (et de les rencontrer) en raison de leur culture liée à l'artisanat du tapis. Voyage, mais voyage qui, du point de vue photographique, ne se résoud ni dans les "carnets de notes" qui font fureur depuis "Le Voyage Mexicain" de Bernard Plossu, ni dans une approche ethnologique, voire ethnographique que l'on voit ressurgir alors qu'elle avait perdu du terrain depuis les années trente pour laisser place aux "photographies de voyage" qui, en noir et blanc puis en couleurs, firent, et continuent souvent, de faire les beaux jours de magazines et d'albums invitant, comme ils disent "au rêve" et à voyager par procuration.
L'approche de Rip Hopkins est tout autre. Majoritairement frontale, précise dans ses cadres, elle enregistre des situations, témoigne de moments et, surtout, d'espaces. Apparemment simples, laissant deviner à l'évidence que ceux qui sont photographiés sont consentants et acceptent la présence de celui qui capture leur image, elles affichent une calme détermination non pas à "reproduire" le monde mais à garder trace de situations qui, pour le voyageur, font sens (c'est la dimension intime) et attestent de son étonnement face à des modes de vie différents de ceux qu'il connaît en Europe.
Renouant avec une importante tradition de la photographie, Rip Hopkins, et c'est là l'un de ses grands mérites, lui redonne un sens aujourd'hui par sa pratique de la couleur. Utilisant le moyen format et le négatif, il se confronte à un monde très coloré avec une pudeur, une finesse, un sens de la composition par la couleur tout à fait remarquables. Aucun spectaculaire, aucun effet de clinquant, aucune dérision facile face à des situations dont le kitch est parfois la dimension évidente, aucun voyeurisme utilisant les regards de l'exotisme. Simplement une justesse d'approche, généreuse et respectueuse, qui compose les images avec soin, soulignant le dialogue entre les teintes et recueillant dans le rectangle la pose sans affectation des personnages qui les occupent. Alors, pour nous qui sommes ignoreux et ignorants de ces pays, le Tadjikistan devient un questionnement de la lumière qui invente les teintes et, étrangement, l'invention d'une temporalité apaisée servie par des camaïeux de laines qui laissent passer des stridences. Des légendes, précises et simples, viennent apporter ce qu'il faut d'information. …

Christian Caujolle


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